maandag 2 januari 2012

Les Fous Littéraires online #001

J'aimerais ici partager un projet que j'ai débuté il y peu. Le livre d'André Blavier "Les fous littéraires" est probablement le livre que j'emmènerais sur une île déserte. En espérant que l'île soit suffisamment étendue pour héberger la bibliothèque Borgésienne qu'est ce surprenant Opus que le Transcendant Satrape a collectionné sa vie durant.
Je me suis toujours demandé s'il était possible de retrouver ne fut-ce que la "quintessence tirée du quart", ou même un d'un dixième, des livres mentionnés. Je m'imagine que la bibliothèque de Liège en possède un certain nombre, ainsi que la bibliothèque de Paris. Une recherche rapide sur used.addall en fait découvrir pas mal. Des éditeurs spécialisés dans la réédition, par certains considérés comme des flibustiers du facsimilé, impriment à la demande des versions scannées à tire-larigot. Tout cela coûte quand même, vu la quantité des volumes, la peau des farfadets. Sans savoir si cela en vaut la peine, car certains ouvrages n'ont jamais été découverts par Blavier et il n'en donne qu'une description de seconde main.
Alors je me suis mis à rechercher les sources de ces versions scannées, et à ma grande surprise, à peu près la moitié des livres mentionnés dans les Fous Littéraires peuvent être téléchargés, et leur nombre augmente. En plus j'ai découvert pas mal d'ouvrages non mentionnés d'auteurs qui le sont pourtant bien. Trois grands sites proposent en effet la sauvegarde de documents libres de droits:
  • Gallica, le site de la bibliothèque de France;
  • Google books, qui parfois offre des versions complètes;
  • et l'Internet Archive, qui non seulement prétend archiver tout (ou en tous cas une grande partie de) l'internet, mais aussi offre de plus en plus d'ouvrages francophones scannés par des universités Américaines.
Une caverne de glossolali baba en somme. Certes cela ne vaut pas le bouquin. Mais c'est mieux que le quart de rien.

J'aimerais partager ces découvertes sur ce blog à mesure de quelques auteurs par livraison. Pour accéder à la totalité des articles, cliquez sur 'Blavier digital' ci-contre.
Pour le moment je n'en suis qu'à la fin de la deuxième partie, il me reste donc beaucoup à faire. Entre parenthèses à côté du nom de l'auteur j'ai noté la page où l'auteur apparaît dans la dernière édition augmentée (des Cendres).

Introduction

Marmiesse, Jean-François (46, 97)

Histoire abrégée de la vie de Jean-François Marmiesse, prêtre octogénaire du diocèse de Cahors, écrite par lui-même, contenant les révélations divines qui lui ont été faites. Tome 1
Histoire abrégée de la vie de Jean-François Marmiesse, prêtre octogénaire du diocèse de Cahors, écrite par lui-même, contenant les révélations divines qui lui ont été faites. Tome 2



C'est une idéé un peu bizarre d'écrire son autobiographie en deux volumes, mais il n'est pas le seul et le fait que ce petit curé est connu uniquement par le fait même de les avoir écrits n'y change rien. En fait c'est même plutôt bien écrit, mais malheureusement d'un ennui mortel. Le tome 1 fait 388 pages, le second, 460. Ce texte fait songer à un fou qui marmonne sans arrêt dans son coin.
Je suppose que Marmiesse garda un journal sa vie durant. Cela me rappelle un épisode du Saint où Simon Templar rend visite à son oncle qui confie tout ce qui lui arrive à l'écrit, et où le pan d'une énigme est découvert grâce à la librairie impressionante de l'oncle, constituée uniquement des volumes de son journal. Mais Marmiesse alla plus loin. Au contraire de Bartlebooth, qui lui aussi consacra les dernières années de sa vie à retracer ses pas, lui, il voulut partager. Alors il publia ses mémoires à la fin de sa vie.
Il a même gardé un journal de songes, et c'est la seule table prévue car il n'y a aucun chapitre. Ainsi les trois songes suivants:
II° - Après ma communion, j'entends une voix dans ma poitrine qui me dit: Je ne suis pas un tyran.
III° - Après ma communion, j'entends une voix dans ma poitrine qui me dit: Je suis le père de cet enfant.
IV° - Un jour après ma communion, j'entends une voix dans l'intérieur de ma poitrine qui me dit: Tu veux donc me quitter?
Se retrouvent à la page 70. Typographiquement c'est pas mal trouvé de les accompagner d'une croix. J'aurais aimé en trouver plus.


Dans ces deux volumes on trouve un jet presque continu d'anecdotes d'une rare banalité, relatant les aventures inexistantes d'un nombre immense de gens qu'il croisa dans sa vie, entrecoupé de lettres d'un intérêt inexistant, débordant au-delà de ses mémoires en décrivant les histoires encore plus insipides des amis des amis des amis (((Ce qui aurait pu être excellent s'il s'était servi de parenthèses Rousselliennes))).  Cela ressemble au résultat qu'aurait donné Twitter au dix-neuvième siècle, je suppose. En plus long.
C'est à peine si l'auteur ne décrit ses selles. Un exemple au hasard.
"Etant donc chez lui, il me rapporta l'anecdote que voici: à Cours, un noble voyageur vint entendre la messe un jour de fête ou de dimanche. Il fut se mettre au banc des consuls; mais il ne s'en doutoit pas. Quelque temps après, un meunier vint se mettre à son côté; M. le noble ayant son épée à son côté, ne se trouvoit pas flatté d'avoir cet homme à son côté: il se mit à le gigotter; enfin il le gigotta tant, qu'il mit le meunier à n'avoir plus qu'un genou sur le banc: pour lors, le meunier prit son écharpe qui étoit appendue au mur, et la mis sur son épaule. M. le noble voyant cela, prit son chapeau, sortit de l'église et s'en alla." (p. 158)
Et c'est ainsi tout le long des volumes. Passionnant, non? On se croirait en train de regarder une vidéo de sécurité à la caisse du supermarché.
Puis tout d'un coup le ton change: à partir de la page 197 l'auteur part en croisade. Il bave d'admiration pour notre Sainte mère l'Eglise, et j'avoue que ça délasse un tantinet après la fadeur qui précède. Ainsi il décrit p. 209 la différence entre les catholiques et les hérétiques et p. 214 les plaintes mal fondées des hérétiques. On pense qu'il regrette l'inquisition. Après cet essai théologique, à partir de la page 226 la diarrhée ininterrompue de mémoires reprend son cours.
Un peu d'action toutefois à partir de la page 289, où Marmiesse décrit à nouveau méticuleusement un songe. Cette fois il a même fait faire une gravure (la seule illustration dans ce torrent de phrases) pour bien expliquer de quoi il s'agit. On est bien content qu'il l'ait fait, sinon on aurait eu du mal à s'y retrouver. Quand on veut bien s'expliquer, on fait un dessin:
L'explication enthousiasmée du rêve lui prend jusqu'à la page 304. Le volume 1 se termine par
"Elle a son médecin, son chirurgien, et du linge", 
Ce qui devait laisser les lecteurs de l'époque pantelants en l'attente d'une suite.

Passons sur le flot ininterrompu du tome 2 jusqu'à la page 432. Là, tout d'un coup, Marmiesse est pris d'une crise de lyrisme et décrit l'éternité en deux pages.
Le tome deux se termine abruptement à la fin d'une millième anecdote, par un cryptique
"N'ai-je donc pas raison de dire que je n'ai pas voulu vendre chat en poche: mais que peuvent tous les efforts des hommes quand le Très-Haut a résolu de réunir vingt-six millions d'hommes? J'ai même remarqué qu'il se sert de l'opposition des hommes pour exécuter ce qu'il a résolu de toute éternité, et on le verra dans mon histoire, qui sous peu de jours sera imprimée"
A mon avis cette tournure pouvait faire craindre au lecteur que l'auteur oserait pondre encore un tome, ce qui grâce à Dieu nous a été épargné. Je suggère d'écouter 'C'est vraiment très intéressant' de Patrick Topaloff en mode replay en lisant ces ouvrages.

Lefebvre, Révérend père A. (63)

De la folie en matière de religion

462 p.

Au premier coup d'oeil du titre tautologique on pourrait douter qu'il s'agit de l'ouvrage d'un fou (si ce n'était l'opinion que les fous c'est les autres), mais d'une étude à partir de l'énoncé de l'Ecclésiastique (I, 15) Stullorum infinitus est numerus (le nombre de fous est infini). Une opinion que je ne peux qu'approuver, et un plagiat par anticipation de la pensée d'Einstein sur la bêtise humaine.
Comme quoi les apparences trompent. En bon cureton l'auteur n'a pas pu s'empêcher de titrer son premier chapitre "La folie des athées". Ci-dessous la tables des matières religieuses. La division des chapitres en classes me fait un peu penser aux Dantesques cercles de l'enfer. Les chapitres sont accompagnés de citations bibliques parfois un peu étranges, tel "Nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre (Luc, V, 5)" au chapitre 3 (moi aussi ça m'arrive parfois), ou "Les vierges folles dirent aux sages: Donnez-nous un peu de votre huile (Matth., XXV, 8)" au chapitre traitant des tièdes (peut-être qu'il voulait les cramer), ou encore "Dites à ceux qui n'ont pas de coeur: Allons, du courage, et n'ayez pas peur (Isaïe, XXXV, 4)" pour le chapitre sur les peureux, ce qui doit forcément les réconforter énormément. On dirait qu'il s'est affairé à rechercher les phrases les plus déjantées de la bible. Encore heureux qu'il n'ait pas cité le "Vas et repens-toi" pour les suicidaires.

Heureusement le RP indique des causes (la connerie, entre autres, le régent de Morosophie acquiescerait) et propose des remèdes. Dont le moindre n'est pas de penser à la mort. Autant dire, arrêtez donc de faire le con et rendez-vous bien compte que quoi que vous fassiez vous allez crever quand même, ce qui est quand même d'une grande consolation. Un autre ouvrage du même auteur ne porte-t-il d'ailleurs pas le titre réjouissant "La science de bien mourir"?

La prochaine livraison tournera autour de Louis-François Lelut et Epiménide l'inspiré.

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